Témoignage : « mon enfant est hypersensible »

Hypersensible.

Un mot que l’on voit de plus en plus dans les médias. Et vous trouverez plein de sources possibles qui vous décriront les expressions possibles de l’hypersensibilité. Mais aujourd’hui, sur ce blog, je voulais vous donner un aperçu de vécu. Je voulais rester du côté des parents. Comment le vit et le ressent un parent. C’est pourquoi je suis ravie que Céline ait accepté de répondre à mes questions.

Le témoignage de Céline, maman d’une fille hypersensible

La maman qui a accepté de répondre à mes questions aujourd’hui, vous la connaissez déjà sur ce blog. Elle s’appelle Céline et a récemment participé à un article sur la difficulté d’être mère. Céline a 36 ans et est la maman de trois filles de 7 ans et demi, bientôt 6 ans et 2 ans. Elle nous parle ici de son expérience avec la gestion des émotions de ses enfants et en particulier avec sa deuxième fille, avec qui « tout cela a toujours été très intense ». Je voudrais remercier ici Céline pour ce partage en toute simplicité de son expérience, pour son honnêteté et son humilité. Je précise que lorsqu’elle et moi utilisons les adjectifs « hypersensible » ou « hautement sensible », nous parlons d’une sensibilité très clairement plus forte, intense et difficile à gérer que celle observée chez la plupart des enfants. Il ne s’agit en aucun cas d’une pathologie ou d’un diagnostic médical.

titoudou – Vers quel âge la gestion des émotions est devenue un thème d’actualité ?

Céline – Maintenant, avec le recul, j’ai envie de dire que ça a été le cas depuis le début. Notre fille a toujours exprimé ses émotions de manière très intense, depuis ses premières semaines de vie. Mais disons que les premières années, ces réactions très fortes, cette sensibilité exacerbée, ont été cachées derrière tout un tas de raisons qui pouvaient les « expliquer » de manière rationnelle.

D’abord le reflux dont elle a souffert tout bébé. Elle pleurait énormément (et fort !), avait beaucoup besoin des bras. Tout comme sa sœur aînée avant elle. Sauf que pour notre première, une fois le traitement mis en place, les choses se sont rapidement calmées. Ça n’a pas été le cas pour notre deuxième. Et puis j’ai moi-même souffert d’une dépression du post-partum dans les premiers mois de sa vie et je me disais que je ressentais aussi peut-être tout ça de manière plus forte que la normale, que ses réactions n’étaient probablement pas si fortes et que c’était ma propre vulnérabilité sur le moment qui les rendait si intenses.

enfant triste citation titoudouA 20 mois, elle a fait sa première grosse crise de frustration. Par crise, j’entends ces débordements d’émotions où l’enfant se fait totalement dépasser par ce qui lui arrive, où il se met dans des états incroyables et que toute tentative de l’adulte de l’aider (ou pire de le gronder, le punir ou lui crier dessus) ne fait qu’attiser la colère noire dans laquelle il se trouve. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous venions d’arriver en vacances après huit heures de route et elle n’a pas supporté qu’on lui demande d’enlever ses chaussettes pour mettre des sandales et sortir manger, car il faisait chaud. Mon mari et moi sommes restés cloués sur place, nous n’avons rien compris à ce qui lui arrivait ; notre première fille n’avait jamais fait ça ! Nous n’étions clairement pas armés pour réagir de manière adéquate, nous avons même véritablement pensé finir aux urgences pédopsychiatriques tellement cette crise nous semblait surréaliste. C’est d’ailleurs quand ces épisodes très intenses ont commencé et que nous avons rapidement constaté que nos réactions « automatiques » à ceux-ci (soit de nous énerver, de gronder, de l’isoler…) étaient totalement contre-productives que j’ai commencé à m’intéresser une approche plus bienveillante, qui nous a apporté beaucoup d’améliorations positives pour gérer ces moments délicats.

Mais elle avait environ deux ans, donc allez, c’est normal, c’est le terrible two, après il y a le fucking four, donc… Nous avions beau ne pas avoir vécu ça avec notre aînée, ça ne voulait pas dire que l’une était plus « la norme » que l’autre.

Avec les années, les choses ont évolué. Par phases. Les débordements d’émotions restaient courants (mais nous savions aussi mieux les gérer, donc ils apparaissaient plus supportables en général), mais après ses quatre ans, d’autres « manifestations » sont apparues. Le fait qu’elle semblait ressentir les choses de manière tellement forte et ces différents nouveaux indices nous ont amené à nous poser plus de questions.

Qu’as-tu observé ?

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Crédit photo : @emotionspodcast

Au-delà des difficultés à gérer les débordements d’émotions en cas de frustration ou simplement parce que les choses ne se déroulaient pas de la manière qu’elle avait imaginée (souvent des choses qui nous semblaient tout à fait anodines), qui ont conduit à des crises énormes qui pouvaient durer très longtemps et être très intenses si nous n’arrivions pas à l’aider à les gérer correctement, d’autres manifestations ont commencé à apparaître, à partir de quatre ans et demi / cinq ans.

Entre autres, une sensibilité très forte :

  • A la nourriture: c’est LE truc qui a débuté extrêmement tôt, avant même les crises liées aux débordements d’émotions. Elle a petit à petit commencé à refuser de plus en plus d’aliments (et en particulier les légumes et la très grande majorité des fruits) à partir de 12-18 mois. Ce n’est pas faute d’avoir tout essayé. Aujourd’hui encore, la situation n’a pas changé. Elle tolère tout ce dont elle a l’habitude, mais a énormément de mal à accepter tout ce qui est nouveau et pas uniquement les choses de type lentilles ou quinoa. Même les plats cuisinés avec des ingrédients qu’elle aime, mais qui se présentent sous une forme différente de celle dont elle a l’habitude ;
  • A la douleur: la moindre petite égratignure est ressentie comme une blessure horriblement douloureuse et nécessite soins, pansements et gros câlins ;
  • Aux habits, étiquettes et autres textures : si ça gratte, ça pique (notamment les tissus, mais aussi les fameuses étiquettes des vêtements), que les bords des collants ou des chaussettes, ne sont pas parfaitement positionnés, ça peut déclencher des crises compliquées qui peuvent aller jusqu’à l’arrachage et au lancé intempestif de vêtements, mais dans tous les cas ça lui créé une gêne réelle ;
  • Aux bruits: un exemple tout récent lors de la Fête des Vendanges de Neuchâtel où nous sommes allés en journée avec les enfants. Même si c’est bien moins pire que le soir, certains stands devant lesquels nous passons sans nous y attarder jouent de la musique forte. Nous nous sommes donc munis du traditionnel casque anti-bruit pour notre fille de deux ans. Mais c’est bel et bien notre deuxième qui a ressenti le besoin de l’utiliser car le bruit l’indispose ;
  • Aux odeurs : mauvaises comme bonnes. Il lui est arrivé de ne pas pouvoir utiliser des toilettes, car l’odeur de la caisse du chat qui était dans la même pièce était trop forte pour elle. Ou de devoir sortir d’une parfumerie car l’odeur de parfums en tous genres lui était insupportable ;
  • Aux surstimulations : Chez elle, pour le moment, il s’agit surtout des longues journées hors de la maison, notamment en visite chez des amis. Elle s’amusera beaucoup et passera globalement une très bonne journée, ne voudra pas rentrer et restera prolonger le plaisir. Mais une fois de retour à la maison, toute l’accumulation de la fatigue et des petites contrariétés ou déconvenues de la journée ressortent et c’est la crise, la décompression totale ;
  • hypersensible monsuperpouvoir
    Crédit photo : @hypersensible_monsuperpouvoir

    Les changements: changement de rythme, départ en vacances, nouvelle classe, nouvelle maîtresse, nouvelle activité, moment ou journée passée avec quelqu’un d’autre que les parents et j’en passe. Toutes sortes de changements mettent à mal sa sensibilité et peuvent provoquer des crises (toujours avec nous, ses parents) ;

  • A l’humour, à la plaisanterie, aux histoires mignonnes qu’on raconte sur elle: quand cela touche à quelque chose qu’elle a fait ou dit, notre fille est extrêmement susceptible. Même si nous racontons avec tendresse un mot rigolo ou une action mignonne qu’elle a faite, si elle n’est pas directement partie à la discussion, si elle l’entend raconter en étant simplement spectatrice, elle va très souvent se sentir blessée ou vexée, alors que notre but n’était évidemment pas de dire quelque chose de mal sur elle, mais elle le prend comme ça.

Pour terminer, je dirais également une très grande réserve (qu’on qualifie généralement de timidité) quand elle se trouve en présence de beaucoup de monde, de personnes qu’elle ne connaît pas ou n’a pas vues depuis longtemps, de personnes avec qui le feeling ne passe pas, etc. Elle a besoin de rester physiquement proche de moi, ne parle pas, ne dit pas bonjour, etc. Après un temps (qui peut être très court), une fois qu’elle aura observé suffisamment, alors elle arrive à s’ouvrir, à aller saluer les gens et à participer à l’événement.

Quel a été ton ressenti en tant que parent quand tu t’est rendue compte que ton enfant était  hypersensible?

Une fois ses cinq ans passés (moins de justification de « phase » normale du développement), en la voyant grandir et continuer de vivre des émotions extrêmement fortes, en la voyant aussi parfois « catégorisée » comme enfant difficile, colérique ou capricieuse, voire nous comme parents laxistes, j’ai clairement commencé à me dire qu’il y avait « autre chose ». Non pas que j’aie voulu lui trouver un trouble ou une spécialité quelconque pour « justifier » son comportement. Mais il y a des choses que les parents ressentent, au-delà de tout ce que les gens pourront dire.

Nous avions déjà parlé de ces éléments à plusieurs reprises avec notre pédiatre. Le mot « hypersensibilité » avait été prononcé. Mais elle nous avait toujours dit que tant que ce trait de « caractère » ne la faisait pas autrement souffrir, ni n’étant handicapant au quotidien, il ne fallait pas trop se concentrer dessus.

Il y a quelques mois, j’ai senti le besoin de plus m’y intéresser. J’ai fait quelques recherches basiques et ça a été comme une révélation, même si ce mot est un peu exagéré. Certains exemples que je lisais sous cette « catégorie » de l’hypersensibilité étaient tellement parlants et tellement semblables à ce que nous vivions avec elle que ça a été comme se prendre une grosse claque dans la figure. Dans le sens d’un relatif soulagement, une validation que non, notre fille que nous aimons de tout notre cœur n’était pas juste une sale gamine capricieuse qui faisait de nous ce qu’elle voulait (je caricature un peu évidemment). Mais elle était bien une enfant d’une sensibilité telle que nous, adultes normalement sensibles (ou également très sensibles, mais l’ayant oublié ou refoulé bien longtemps…) ne pouvions même pas imaginer.

Personnellement, je l’ai vraiment ressenti comme un soulagement. Avoir mis un mot sur ce qu’elle vivait, pour pouvoir mieux l’aider et mieux l’accompagner à l’avenir.

lesmotspositifs
Crédit photo : lesmotspositifs.com

J’ai acheté et lu quelques livres sur le sujet et ils ont confirmé ce sentiment, même si naturellement tous les traits de l’hypersensibilité ne se retrouvent pas de manière identique chez tout le monde. On me pose également souvent la question de savoir si ma fille ne « souffre » pas d’autre chose. L’hypersensibilité va apparemment souvent de paire avec un haut potentiel (HP), un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), un trouble dys, etc. Ce n’est pas le cas, du moins pour le moment. Ça n’en rend pas ma fille moins sensible. Parce que oui, parfois j’ai l’impression que dans la tête de certains adultes, si on ne peut pas y attacher un « vrai » trouble, cela veut dire qu’elle est « comme tout le monde ». Mais ce n’est pas le cas. Sa sensibilité est bel et bien particulière, ce qui n’est pas à prendre comme un trait négatif. J’ai eu plusieurs témoignages d’adultes hypersensibles qui m’ont confirmé qu’ils avaient réussi à en faire une force et non pas une faiblesse !

Merci Céline pour ce partage !

 

 

Moi, Hypersensible et maman d’une fille hypersensible

Les émotions, l’apprentissage des émotions et la gestion des émotions est un thème qui m’est cher et que je développe pour titoudou. Pourquoi ? Vous l’avez probablement deviné. Je suis moi-même une personne très sensible. Très sensible, hautement sensible, hypersensible, appelez-ça comme vous voulez, le résultat est le même. C’est comme ça. Ce n’est pas un bien, ni un mal (même si des fois je trouve ça fatiguant), c’est comme ça. J’ai compris, avec les années, que tout le monde ne réagit pas comme moi. Et j’ai finalement appris à vivre en harmonie avec mes spécificités.

Mais voilà, tout a pris une nouvelle dimension quand ma Princesse est venue au monde. Parce que très vite, j’ai compris, qu’elle aussi était hypersensible. Nous avons aussi observé très tôt une hyperactivité nocturne. Aujourd’hui encore, les nuits sont très agitées et des cauchemars terribles. Les années passant, j’ai pu faire des observations, comme Céline :

  • une très grande sensibilité au bruit,
  • une tendance à paniquer très vite. Dans ce cas, elle imagine plein de scénarios possibles. Et il faut beaucoup de patience pour la rassurer et la faire revenir à la situation présente,
  • un sens inné et très développé de la justice,
  • une empathie débordante : ma fille peut, d’un coup, se mettre en danger sans même le réaliser pour essayer d’aider quelqu’un.

J’ai clairement remarqué que tout est plus intense lorsqu’elle est fatiguée ou sous stress (comme un spectacle d’école). On m’a aussi très tôt parlé de précocité. Mais rien pour l’instant ne l’empèche de vivre une vie « normale » à l’extérieur de la maison. Elle va à l’école, est une élève appliquée, a des activités et des amis. Et je fais tout mon possible pour que cela reste le cas. Je ne souhaite pas forcément stigmatiser quelque chose si sa sensibilité ne la gène pas dans son épanouissement.

Par contre, très vite, je me suis dit qu’il allait falloir lui apprendre à gérer sa sensibilité. Par gérer, je n’entends pas dominer ou apprendre à modérer ses ressentis. Ce n’est pas possible et je ne vais pas lui apprendre à se renier ou se cacher. Je vais plutôt lui apprendre à reconnaître ses émotions, comprendre ce qui se passe, pourquoi et l’accepter. A terme, je veux lui montrer que sa sensibilité est sa personnalité et sa force.

C’est un long chemin. En tant que parent, on doute souvent. On se demande si les choix que l’on fait sont bons et justes. Mais je crois que c’est le lot de beaucoup de parents qui cherchent le mieux pour leur enfant.

Dans le prochain article du blog, nous parlerons d’outils pour aider un enfant à appréhender ses émotions. Beaucoup de ces outils d’ailleurs peuvent servir à tous les enfants, et pas uniquement aux enfants très sensibles.

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